"C'est le grand jour" : après 40 ans, 7 mois et 5 jours en prison, le "détenu oublié" Michel Cardon retrouve la liberté
Condamné à la perpétuité pour le meurtre d'un homme en 1977, Michel Cardon est sorti de prison vendredi matin, en liberté conditionnelle. "On ne va pas effacer ces quatre décennies d'enfermement d'un coup d'ardoise magique", témoigne son avocat, très ému.
" C'est le grand jour, c'est le jour où il sort", a réagi sur franceinfo Maître Éric Morain, avocat de Michel Cardon. L'un des plus anciens détenus de France est libre depuis vendredi 1er juin, à 8h40. Après 14 827 jours passés derrière les barreaux, l'homme de 67 ans bénéficie d'une libération conditionnelle, en raison de la dégradation de son état de santé. Il a quitté le centre de détention de Bapaume (Pas-de-Calais) pour rejoindre un centre d'hébergement et de réinsertion du Val d'Oise où il devra se soumettre à des soins psychiatriques. "Il va être confronté à une réalité qu'il ne connaît pas mais il va être accompagné par des professionnels à qui je vais le confier en toute confiance et en toute sérénité", a expliqué son avocat, Éric Morain, interrogé la veille de la sortie de son client.
franceinfo : Est-ce que vous avez eu un contact avec Michel Cardon ?
Maître Éric Morain : Je n'ai pas eu de contact direct depuis sa première permission de sortie il y a environ un mois. C'était la première fois qu'il passait une journée en-dehors d'un centre pénitentiaire depuis 40 ans. J'ai eu des nouvelles indirectes au mois de mai au cours de ses deux autres permissions de sortie, où il a passé ses premières nuits hors de prison depuis quatre décennies. Aujourd'hui, c'est le grand jour, c'est le jour où il sort.
Est-ce qu'il y a quelque chose de très symbolique par rapport aux détenus oubliés des leurs et de la justice ?
La sortie de Michel Cardon n'est pas symbolique, elle est réelle. Il y a d'autres Michel Cardon dans les prisons françaises : des personnes plus ou moins âgées, qui auront passé plus de 25 ou 30 ans derrière les barreaux, qui n'ont pas de soutien, pas de famille, pas d'amis. Vous ne pouvez pas présenter un projet extérieur. Et sans projet extérieur, vous ne pouvez pas être admis à une libération conditionnelle. Ce sont ces personnes qu'il faut sortir de dessous les écrans radars. Leur situation doit être réexaminée de manière régulière par le tribunal d'application des peines et le juge d'application des peines pour qu'on ne les oublie pas. L'expression du "détenu oublié" en parlant de Michel Cardon n'est pas la mienne. C'est une commission pluridisciplinaire des mesures de sécurité qui avait fait ce triste constat. Il faudrait que le cas de Michel Cardon serve à ce qu'il n'y en ait pas d'autres.
Est-ce que vous avez l'impression que la prison a profondément et durablement abîmé Michel Cardon ?
Il va falloir du temps mais il n'est pas seul. Il va être accompagné par des éducateurs, des médecins, des psychologues. Il va être libre de ses mouvements, même s'il devra répondre aux convocations de la justice puisqu'il est en période probatoire, ce qui est bien normal.
Il a passé 14 827 jours en prison. Cela fait 40 ans, sept mois et cinq jours. On ne va pas effacer ces quatre décennies d'enfermement d'un coup d'ardoise magique au prétexte qu'il va vivre dans un centre entouré d'arbres, avec un parc et des professionnels
Éric Morainfranceinfo
J'ai vraiment confiance. C'est un projet que nous avons bâti ensemble, sur le long terme, pendant 18 mois. Ce projet tient la route. La plus belle des récompenses sera de le voir marcher dans ce parc.
Ce combat juridique est devenu un combat personnel. Est-ce que vous avez l'impression que ce type de cas peut ne pas séduire les avocats car il y a une telle dépense d'énergie contre le système que c'en est presque épuisant ?
S'il fallait, pour sortir d'autres Michel Cardon, autant de temps et d'énergie, forcément ça décourage les vocations. Les avocats doivent s'emparer de cette question de l'application des peines et ils s'en emparent de plus en plus, comme le montre l'Observatoire international des prisons. Forcément, c'est difficile parce que la gestion des détenus par l'administration pénitentiaire fait qu'ils font un peu le tour de France. Michel Cardon a fait le tour des prisons françaises, ça pose des difficultés matérielles et logistiques. Il y a un vrai enjeu derrière : il faut éviter que les décennies s'ajoutent aux décennies et qu'on se retrouve avec des détenus de 80, 85, 90 ans. La prison n'est pas en mesure de s'occuper et d'accueillir des vieux détenus.
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